La différence de prix du cacao entre la Côte d'Ivoire et le Cameroun est essentiellement due à des systèmes de gestion du cacao totalement différents dans les deux pays, pour plusieurs raisons. En dehors du système de gestion, d'autres facteurs tels que le rendement et la qualité peuvent avoir des impacts mineurs, mais qui, à grande échelle et sur le long terme, sont susceptibles de faire la différence.
Stabilisation en Côte d'Ivoire vs Libéralisation au Cameroun
En Côte d'Ivoire, premier pays producteur de cacao au monde avec une production oscillant entre 1,8 millions et 2,2 millions de tonnes, le Conseil Café Cacao (CCC) est l'organe chargé de la régulation, du développement et de la stabilisation de la filière cacao.
Stabilisation : Quel régime de fixation des prix et quelle politique de commercialisation ?
Concernant le régime de fixation des prix, la Côte d'Ivoire fixe le prix à l'avance pour les producteurs. Ce prix est communiqué en début de campagne et est calculé à partir de la moyenne des ventes des mois précédant la campagne, ainsi que de plusieurs autres facteurs. Ce système comporte des avantages et des inconvénients.
D'une part, ce système apporte de la stabilité à la production du pays, évitant ainsi une forte exposition au risque de fluctuation des prix en fonction de l'évolution du marché. D'autre part, il permet aux producteurs de connaître précisément leurs revenus en fonction de leurs capacités de production. Enfin, il permet à l'État de sécuriser ses recettes budgétaires, correspondant au droit unique de sortie (DUS) de 220 FCFA par kilogramme vendu.
Cependant, ce système présente l'inconvénient majeur de priver les producteurs de prix avantageux pendant la campagne si le marché du cacao est haussier, comme c'est le cas actuellement dans un contexte de pénurie mondiale. (Il est à noter que le prix du cacao a atteint récemment les seuils de 9000 GBP à Londres et de 11000 dollars à New York).
Concernant la politique de commercialisation, historiquement, la Côte d'Ivoire vendait une grande partie de sa récolte (80%) par anticipation, car le cacao représente environ 20% de son PIB. Jusqu'en 2017, ces ventes se faisaient via une plateforme où les acheteurs exprimaient leurs besoins. Depuis 2017, les transactions se font par téléphone à des moments déterminés par le CCC. Cette politique de commercialisation implique des intermédiaires, réduisant ainsi le prix reversé aux producteurs.
Au Cameroun, pays produisant entre 250 000 et 300 000 tonnes de cacao, le système est totalement libéralisé, de sorte que le prix est déterminé par le jeu de l'offre et de la demande. Les producteurs bénéficient donc des prix du marché. Cependant, ils sont exposés au risque de fluctuation des prix et restent dans l'incertitude quant aux revenus qu'ils percevront de la campagne. Par ailleurs, la libéralisation réduit le nombre d'intermédiaires entre les producteurs et les acheteurs, qui sont généralement des négociants et des industriels du chocolat.
À ces raisons, nous pouvons ajouter les efforts déployés pour améliorer la qualité et le rendement. (On parle ici du rendement en produits solides. Les solides sont les produits dérivés du cacao. Dans le processus, une fois les fèves de cacao récoltées, elles sont fermentées, puis séchées, et enfin broyées pour obtenir la liqueur de cacao, qui est ensuite pressée pour obtenir du beurre et du tourteau. Le tourteau est ensuite pulvérisé pour obtenir la poudre de cacao).
Historiquement, les fèves ghanéennes et ivoiriennes avaient les meilleurs rendements. Aujourd'hui, cette affirmation n'est pas toujours vraie. En effet, au Cameroun, de nombreux efforts ont été déployés pour améliorer le rendement des fèves.
De plus, les fèves camerounaises présentent une particularité : elles contiennent des reflets rouges qui confèrent une couleur spécifique aux solides lorsqu'elles sont transformées. Ces reflets rouges sont recherchés par certains industriels car ils améliorent la qualité de leurs produits. Selon les analyses, cette particularité est due à la nature des sols (volcaniques), combinée aux techniques de fermentation.
Abdoul Touré occupe actuellement le poste de contrôleur financier au sein d'une entreprise leader dans le domaine de la vente de matières premières agricoles (commodities trading). Avant cela, il a travaillé dans le domaine de l'audit au sein de cabinets internationaux. Monsieur Touré est titulaire d'un DSCG du CNAM et d'un Master en finance de l'École de Management de Grenoble. L'équipe de Diasporafrique lui exprime sa gratitude pour sa contribution sous forme de tribune sur un sujet aussi stratégique.